Page:Sue - Les misères des enfants trouvés II (1850).djvu/240

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étaient remplies par deux yeux rouges ; elle tenait une rose entre ses dents.

— Le cul-de-jatte !… — m’écriai-je ; car souvent Bamboche m’avait parlé du sinistre tatouage que ce brigand portait sur sa poitrine, tatouage assez particulier pour que je ne conservasse pas de doute au sujet de l’identité de ce personnage.

— Le cul-de-jatte !… — répétai-je, toujours agenouillé à côté de cet homme. — Oh ! tant mieux !… tant mieux !… — m’écriai-je avec une joie farouche, — je suis content de l’avoir tué… après tout le mal qu’il a fait à Bamboche.

Et je continuai de fouiller ce bandit. Je ne trouvai rien dans les poches de la veste, si ce n’est un briquet, un cornet de tabac à fumer et un couteau-poignard ; mais quelle ne fut pas ma surprise et bientôt ma douleur, en trouvant dans les goussets de son pantalon les deux petits pistolets qui, la veille encore, étaient en la possession de Bamboche !

Par quel hasard étrange cet homme s’était-il donc encore une fois retrouvé avec Bamboche dont il avait causé la perte ? En songeant à la mare de sang où, la nuit précédente, j’avais ramassé le petit châle de Basquine et les trois pièces d’argent, je ne pouvais douter de la complicité du cul-de-jatte dans ce nouveau crime, puisqu’il avait en sa possession les pistolets de Bamboche ; mais je me demandais la part que ce misérable avait prise à ce tragique événement, toujours pour moi environné de mystère, car j’ignorais encore lequel de Bamboche ou de Basquine avait été victime, ou si tous deux avaient succombé.

D’un autre côté, je ne trouvai sur le cul-de-jatte aucun argent. Qu’était donc devenue la somme dérobée par Bamboche à Claude Gérard, somme qui avait pu seule tenter les meurtriers présumés de mes compagnons ?

Toutes ces pensées, se présentant à la fois dans mon esprit, y laissaient le trouble et l’incertitude. Un moment je regrettai d’avoir tué ce bandit qui, seul peut-être, aurait pu m’éclairer sur le sort de mes compagnons ; mais, en songeant à sa vie, à ses crimes, je m applaudis de mon action.

Je rassemblai donc dans un pan de ma blouse la chaîne d’or, le