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mon inquiétude s’augmenta en songeant aux motifs qui pouvaient appeler le comte chez le père de Régina ; car, alors, je me rappelai que l’inconnu du cabaret des Trois Tonneaux m’avait parlé d’un homme d’un âge mûr qui était aussi son rival auprès de Régina.

Sous l’influence de ce redoublement d’intérêt et de curiosité, je frappai à la porte-cochère, l’on m’ouvrit. Ne voyant pas de loge du portier, je me dirigeai vers un grand pavillon carré, situé entre cour et jardin. Aussitôt parut, sur les premières marches d’un large perron, ce domestique mulâtre qui accompagnait d’habitude Régina lors de ses voyages pour assister à chaque anniversaire de la mort de sa mère ; ce mulâtre était vêtu de noir ; il avait l’air dur et sombre.

— Que voulez-vous ? — me dit-il brusquement en me barrant la porte.

— Je voudrais, Monsieur, parler à M. le baron de Noirlieu.

Le mulâtre me regarda des pieds à la tête, comme s’il eût été surpris de mon audacieuse prétention, et me répondit en me tournant le dos :

— M. le baron ne reçoit personne.

— Mais, Monsieur, j’ai une lettre à lui remettre.

— Une lettre ? — reprit-il en se retournant, — c’est différent… où est-elle ?

— J’ai l’ordre, Monsieur, de ne la remettre qu’à M. le baron lui-même…

— Je vous ai dit que M. le baron ne recevait personne… Donnez-moi cette lettre.