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une espèce d’office, le plus splendide repas que j’eusse vu de ma vie ; je fis peu d’honneur à ce régal, préoccupé que j’étais, et des moyens de revoir Basquine, et des craintes que m’inspiraient, pour l’avenir de Régina, les espérances de Robert de Mareuil, certain, disait-il, d’être aimé d’elle.

Le dîner de mes maîtres terminé, ils me firent appeler ; j’ouvris la portière de leur voiture, et elle roula jusqu’aux Funambules.

Balthazar m’ayant donné de quoi largement payer ma place, j’entrai au parterre ; je n’avais de ma vie été au spectacle ; aussi mon étonnement, ma curiosité furent d’autant plus excités, que j’arrivais durant un entr’acte et au milieu d’un épouvantable tumulte, incident d’ailleurs commun à ce bruyant théâtre.

La position irrespectueuse de plusieurs spectateurs de l’avant-scène causait ce grand tapage. Tous mes voisins du parterre, montés sur les banquettes, vociféraient de toutes leurs forces :

— À la porte ! à la porte ! face au parterre !… — tandis que les galeries et le paradis répétaient ces cris en chœur, avec accompagnement de sifflets, de huées, de trépignements à assourdir.

Les spectateurs de l’avant-scène, causes de ce vacarme, se tenaient assis sur le rebord de leur loge, continuant de tourner le dos au public.

Enfin, soit qu’ils craignissent une véritable émeute, soit qu’ils crussent avoir, par la persistance de leur attitude, suffisamment protesté contre la tyrannie populaire, ils se retournèrent lentement, en jetant sur la salle un regard de dédain ; néanmoins cette défaite de l’avant-