Page:Sue - Martin l'enfant trouvé, vol. 5-6.djvu/212

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l’homme à figure sournoise devait être et était en effet le gouverneur de Scipion ; l’adolescent, un des compagnons de ce dernier.

Malgré mon peu d’usage du monde, il me semblait singulier que le comte eût choisi ce spectacle pour y conduire son fils, non à cause de l’espèce des pièces que l’on y jouait, les féeries semblent faites au contraire pour amuser les enfants ; mais le comte ne devait pas ignorer que ce théâtre servait souvent, disait-on, de rendez-vous aux gens qui voulaient passer une folle et bruyante soirée après des libations exagérées.

Bientôt les trois coups, solennellement frappés derrière le rideau, commandèrent un silence général, l’orchestre joua une lugubre ouverture ; dans mon impatience de voir paraître Basquine, je m’adressai à l’un de mes voisins.

— Verra-t-on bientôt Mlle Basquine ? — lui dis-je.

— Qui ça, Basquine ?… Ah ! cette blonde qui joue le mauvais génie… non, pas encore… sa scène est à la fin de l’acte.

— Basquine a beaucoup de talent, n’est-ce pas, Monsieur ?

— Ma foi ! je ne sais pas ; elle est assez drôlette. Quand elle fait ses simagrées diaboliques, elle a l’air méchant comme un démon ; mais il y a un moment où elle veut chanter, oh ! alors… merci… c’est aussi embêtant qu’à l’Opéra.

— Ah ! Monsieur, comment pouvez-vous dire cela ! — reprit mon voisin de gauche, — Basquine joue son bout de rôle avec une expression ! et puis elle a une voix !…