Page:Sue - Martin l'enfant trouvé, vol. 5-6.djvu/241

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tu n’es pas changé, tout s’émousse sur toi… rien ne peut mordre sur ta nature de fer…

— Rien n’y peut mordre… excepté Martin… excepté toi…

Basquine secoua la tête.

— En vous revoyant tous deux, j’ai pleuré… comme un enfant… — poursuivit Bamboche, sans paraître remarquer le mouvement de Basquine, — dam… après tant d’années d’absence… nous voir enfin réunis…

— Vous retrouver le même jour… toi, — me dit Basquine en me tendant la main. — Et toi ! — ajouta-t-elle en donnant son autre main à Bamboche.

— Tu ne m’en veux plus ? — lui demanda Bamboche presque avec crainte.

— Entre nous trois… ne devons-nous pas tout nous pardonner ? — dit doucement Basquine ; puis un éclair brilla dans ses yeux ; sa lèvre sardonique se contracta, et elle ajouta :

— C’est pour d’autres qu’il faut cultiver nos haines.

— Il y a donc long-temps que tu n’avais vu Bamboche ? — demandai-je à notre compagne.

— Trois ans, — me répondit-elle.

— Oui… trois ans, — reprit Bamboche sans oser, pour ainsi dire, regarder Basquine.

— Ainsi, tu ignorais qu’elle dût jouer ce soir ? — dis-je à notre ami.

— Je ne la savais pas à Paris, et je n’avais pas seulement lu l’affiche, — reprit-il. — Quand je suis rentré dans ma loge, le tapage commençait… cabale montée, j’en suis sûr… par ces méchants gants jaunes de l’avant-