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la voiture qu’elle occupait, et la file d’équipage poursuivit sa route. Lorsque je fus un peu remise de ma stupeur, je regardai autour de moi ; je me trouvais dans une berline à quatre places, toutes occupées, car j’étais entre miss Turner et une jeune négresse aux traits non pas difformes et épatés, mais d’une grande régularité ; son manteau de voyage laissait entrevoir un costume d’une originalité charmante : à ses bras nus, polis comme de l’ébène, brillaient des bracelets d’argent ; en face de moi, je vis deux autres jeunes femmes, l’une très-grasse, d’une blancheur éblouissante, avait les cheveux d’un blond très-pâle, les yeux bleu-clair et les joues très-roses : celle-ci était flamande ; enfin la quatrième, d’une figure commune, quoique assez piquante, était coiffée d’une marmotte, et vêtue avec luxe, des riches écaillères de Paris lorsqu’elles s’endimanchent. Catherine (elle s’appelait ainsi) était en effet une fille du quartier des Halles. Elle avait l’air gouailleur, insolent, hardi, et, ainsi que je l’ai su depuis, elle empruntait presque toujours son langage à ce vocabulaire toléré au carnaval. Ces grossièretés ne manquaient pas d’un certain esprit, et divertissaient fort le duc de Castleby, qui souvent, après boire, s’amusait du cynisme effronté de cette créature, ramassée par le duc lui-même dans l’un des cloaques les plus fangeux de Paris.

— C’est impossible, — m’écriai-je… — de notre temps de pareilles mœurs ! Cette espèce de sérail voyageant à la suite d’un homme.

— Pauvre Martin, il s’étonne encore de quelque chose, — dit Basquine à Bamboche.