Page:Sue - Martin l'enfant trouvé, vol. 5-6.djvu/282

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mylord-duc y avait rassemblées, et auxquelles il n’avait d’ailleurs laissé aucun legs… Miss Turner seule avait amassé un pécule considérable. Elle garda son impassibilité ordinaire en me voyant chassée comme les autres créatures du sérail ; cependant elle me donna vingt francs et une fort belle guitare dont elle m’avait appris à jouer. — Petite, — me dit-elle, — avec ce gagne-pain, ta jolie figure, vingt francs dans ta poche, une bonne robe et un petit paquet de linge, tu ne dois pas être inquiète de ton sort. — Ce fut ainsi que je quittai le château du duc de Castleby au commencement de l’été, n’ayant qu’un but, celui d’aller à Paris, songeant déjà vaguement au théâtre… où je pouvais mieux que partout ailleurs, à force de travail, de zèle et de volonté, atteindre le premier degré de la position que je rêvais, idée fixe, unique, opiniâtre, ardente comme la vengeance… Ma route du Midi à Paris se passa sans incident remarquable ; le temps fut presque toujours magnifique, et grâce à ma guitare, dont j’accompagnais mon chant dans les cafés et autres lieux publics des villes où je m’arrêtai, je possédais en arrivant ici à-peu-près le double de ce que je devais à la générosité de Miss Turner… Bientôt le hasard me fit rencontrer Bamboche, je croyais mon cœur mort… bien mort ;… pourtant, à la vue de notre compagnon d’enfance, je tressaillis de bonheur, de joie et d’espoir…

— Quand je la rencontrai, — dit Bamboche, — je vivais avec ma veuve, sœur de mon bourgeois ; je quittai la veuve, bien entendu…

— Oui, — dit Basquine, — et tant que je restai avec lui, il se mit à travailler résolument de son état de