Page:Sue - Martin l'enfant trouvé, vol. 5-6.djvu/287

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pose, mon ami Bamboche, que je te fasse don de ma créance, bien valable, bien en règle, à toi qui es sans le sou ? Qu’est-ce que tu ferais, sachant que de l’autre côté du détroit il y a un compère qui a de quoi grandement payer, et qui… j’oubliais cette circonstance importante, est poltron comme la lune ? — Pardieu, — dis-je à la Levrasse, — ce n’est pas malin, j’irais trouver mon débiteur, je le prendrais par les oreilles, et, à grands coups de canne, je me ferais payer… — Il y a du bon dans ce que tu dis là, — reprit la Levrasse, — mais, en Angleterre comme en France, on pince les créanciers qui instrumentent à coups de canne, mais on n’arrête pas un créancier qui, je suppose, suivrait incessamment son débiteur dans les rues, dans les promenades, dans les spectacles, en lui disant tout haut et en public : — Monsieur, vous me devez légalement soixante-douze mille francs, vous avez de quoi me les payer, vous vous y refusez, vous êtes un fripon. — Or, devant un pareil cauchemar, le débiteur s’exécute ; s’il ne s’exécute pas, on cherche d’autres moyens… et avec ta caboche… Bamboche… on les trouve. — Combien me donnez-vous, — dis-je à la Levrasse, — et dans huit jours je vous fais payer de votre Monsieur Rondeau. — Je paie les frais de ton voyage, et je te donne cinq mille francs… voyons, ne me fais pas les gros yeux, je te donne dix mille francs… veux-tu bien laisser ta canne tranquille, je consens à quinze mille… tu les toucheras chez le correspondant, où le sieur Rondeau ira payer. — Va donc pour quinze mille francs. — Je pars pour Londres ; huit jours après, la Levrasse avait son argent, moi ma part ; quand je me