Page:Sue - Martin l'enfant trouvé, vol. 5-6.djvu/289

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t’es imposé pendant que nous avons vécu ensemble ?…

— C’est vrai, ça ne m’a pas été si rude à gagner, mes cinquante mille francs. Au lieu de la lime et du marteau toute la journée… quelques coups de râteau sur le tapis vert… et encaissés les doublons !…

Alors, ma foi ! grand tralala ! Appartement superbe, chevaux, voitures, table ouverte, et un calendrier de drôlesses depuis Amélie jusqu’à Zélie, toutes les lettres de l’alphabet y ont passé, mordieu ! Je me faisais appeler le capitaine Hector Bambochio, je m’étais fabriqué cette capitainerie-là en entendant le père la Levrasse parler du Texas, où il avait manigancé je ne sais quelle affaire. Pendant que j’étais en train, je me suis orné d’un père marquis et d’un futur beau-père, grand d’Espagne. Pendant un an, j’ai mené la vie d’un joueur ; ça ressemblait comme deux gouttes d’eau, pour les émotions, à notre vie vagabonde. Mais tout a une fin, même la bonne chance : la rouge m’avait toujours traité en enfant gâté, elle a fini par me traiter comme feu la mère Major après nos amours ; alors j’ai voulu folâtrer avec la noire ; la noire a été cent fois pire encore. J’avais déjà dégringolé de mon bel appartement de la rue de Richelieu pour tomber dans un méchant hôtel de la rue de Seine… Là, pendant quelque temps, j’ai carotté ma vie en excitant des duels entre mes voisins les étudiants et leurs amis. Je me faisais accepter comme témoin ; déjeûnant du pistolet, dînant de l’épée, soupant de l’espadon… J’oubliais de te dire que j’avais un goût passionné pour l’escrime, et tant de dispositions qu’en dix-huit mois,