Page:Sue - Martin l'enfant trouvé, vol. 5-6.djvu/308

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« Je reconnais avoir reçu de monsieur Renaud, rue Montmartre no 10, la somme de trois cent cinquante francs pour le trimestre échu de la pension que monsieur just a la générosité de me faire.

» Paris, etc. etc. »

— Ah mon Dieu ! — m’écriai-je après avoir lu : — Encore Monsieur Just ! — Qu’as-tu donc ? Que veux-tu dire ? — me demanda le poète. Et je racontai à Balthazar ce que j’avais appris des autres libéralités de cet homme singulier.

— C’est extraordinaire, — me répondit le poète d’un air pensif, — il faut que Monsieur Just soit le diable en personne : je mourais aussi de faim, quand il m’a déniché : comment savait-il que j’étais orphelin ? que mon pauvre père, le meilleur des hommes, ruiné par une banqueroute, m’avait laissé sans ressources, et qu’avec la rage d’écrire j’avais la conscience d’arriver un jour à me faire un nom à force de travail ? je l’ignore ; ce qu’il y a de certain, c’est que M. Just qui a bien l’air le plus rébarbatif et le plus brutal du monde, m’est apparu un beau jour ; qu’après un long entretien où il m’a paru incroyablement instruit de tout ce qui me regardait, il m’a laissé une lettre pour ce M. Renaud, qui depuis m’a toujours payé cette pension, si utile pour moi, et si peu attendue. Je n’ai jamais revu d’ailleurs Monsieur Just, seulement l’homme d’affaire me disait chaque fois : — « Ça va bien, continuez, vous êtes un garçon laborieux… vous arriverez, on vous surveille, on sait ce que vous faites ;… » Mon seul désir, — ajouta le poète en soupirant, — est de voir un jour Mon-