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prononcer les mots de prison, de déguisement, de trahison.

Un fiacre attendait sur le quai ; le voyageur à lunettes y monta ; ses effets furent placés à côté de lui, et l’un des deux hommes, avant d’entrer dans la voiture, dit au cocher :

— En marche… et bon train.

Après avoir refermé la portière, et malgré la surprise où me jetait ce nouvel incident, je dis à ces personnages :

— C’est moi, Messieurs, qui ai apporté les effets.

― Allons donc… du bateau ici, ― dit un des deux hommes, ― belle course… Est-ce que ça se paie ?

― M. le comte n’a pas de monnaie, ― ajouta l’autre homme d’un air sardonique, en jetant les yeux sur le voyageur, qui, la figure cachée dans ses mains, semblait anéanti.

— Mais, Messieurs… ― m’écriai-je.

― Marche, cocher, ― cria un des hommes par la portière.

Le cocher fouetta vigoureusement ses chevaux ; je fus obligé de me jeter de côté pour n’être pas écrasé sous les roues.

Ce désappointement fut affreux pour moi !

Dans ma colère désespérée, je montrai le poing au fiacre qui s’éloignait, en m’écriant :

— Vous me volez mon pain… et je meurs de faim.

― Viens déjeûner… ― me dit tout bas une voix à l’oreille.

Je me retournai brusquement.

C’était le cul-de-jatte.