Page:Sue - Martin l'enfant trouvé, vol. 5-6.djvu/351

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

trante, comme s’il eût voulu lire jusqu’au fond de sa pensée.

— Oui… Monsieur, — répondit avec embarras ce jeune homme, dont la figure, amaigrie par la misère et couverte d’une barbe inculte, avait une remarquable expression d’intelligence, de douceur et de franchise.

— Vous avez été reçu docteur-médecin à Montpellier ?… — poursuivit mon maître.

— Oui, Monsieur… — répondit timidement le jeune homme, en échangeant avec sa femme un regard de surprise croissante,

— Vos examens ont été des plus brillants ; votre conduite toujours excellente, — reprit le docteur Clément ; — vous avez fait de magnifiques travaux anatomiques… vous êtes aussi habile chirurgien que bon médecin… et pourtant, étouffé par la rivalité, ne trouvant pas à gagner votre vie à Montpellier, où vous avez épousé par amour cette digne et charmante femme que voilà… vous êtes venu à Paris… espérant y trouver meilleure chance…

— Mais, Monsieur… — reprit le jeune médecin avec stupeur, — qui… a pu vous instruire ?…

— À Paris, — reprit mon maître, — ç’a été comme à Montpellier ; dénué de toute protection, vous n’avez trouvé aucun appui, aucune bienveillance chez vos confrères, forcés pour vivre de se disputer les malades avec acharnement ; car ici, comme en tout et partout, les gros mangent les petits… Mais comme il vous fallait soutenir votre famille, vous avez été obligé de vous abaisser jusqu’aux plus misérables expédients pour recruter quelques clients ; vous avez été réduit à flatter