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Le pain de quatre livres fut apporté… Quoique apaisée, ma faim était loin d’être assouvie ; mais je craignis que cet excès de nourriture ne me fît mal, je bus deux ou trois verres d’eau, et j’interrompis mon frugal repas.

Peu à peu je me sentis revivre. L’espèce de fièvre dont j’étais atteint, se calma, et j’envisageai ma position d’un regard plus ferme et moins désespéré.

Le bandit m’avait silencieusement observé pendant que je dévorais le pain ; il me dit ensuite :

― À la bonne heure, tu as mangé par faim… maintenant tu vas manger par gourmandise.

— Non…

— Allons donc !

On apporta les mets demandés par le cul-de-jatte ; malgré ses instances, je n’acceptai rien.

― Tu es un drôle de corps, ― dit le cul-de-jatte en faisant honneur au repas, ― je n’ai jamais vu un invité pareil… au moins, bois un verre de vin.

D’abord je tendis mon verre, espérant qu’un peu de vin ranimerait complètement mes forces ; mais, je craignis que, dans l’état de faiblesse où je me sentais encore, le vin n’agît trop sur mon cerveau, et je refusai.

― Comment, pas même un verre de vin ? ― s’écria le cul-de-jatte.

― Non… je prendrai encore un morceau de pain si vous le permettez…

― Que le diable soit donc ton boulanger, ― s’écria le bandit, ― si j’avais su cela…

Puis me regardant presque avec défiance :