Page:Sue - Martin l'enfant trouvé, vol. 5-6.djvu/382

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— Assez de morale.

— Bamboche, tu ne sortiras pas d’ici avec cet argent…

— Ah bah !

— Au nom de notre amitié…

— J’ai faim… et j’ai un enfant qui a faim.

— Toi ?

— Oui… une petite fille… Quand j’ai été pour te chercher chez Claude Gérard… j’ai séjourné dans une auberge de la ville voisine… il y avait à côté le jardin d’une maison de fous…

— Et là, — m’écriai-je avec effroi en me rappelant la demi-confidence de Claude Gérard, — là tu as vu une femme jeune, belle ?

— Elle m’a fait des signes, je ne la savais pas folle… j’étais à moitié ivre… mais comment sais-tu ?…

— Ah ! c’est horrible !!

— Enfin c’est fait… — reprit Bamboche d’une voix sourde ; — il y a quinze jours j’ai revu la femme… toujours folle… j’ai pu enlever l’enfant… ma petite fille… je suis sans le sou… c’est pour elle que je vole…

— Ce pain-là… à ta fille… jamais !

— Je n’ai pas le choix.

— Si…

— Comment ?

— Fais-toi soldat… pars… mon maître prendra soin de ton enfant… je te le jure… et de toi aussi… plus tard, il aura pitié… mais pas de vol…

— J’ai l’argent… c’est plus sûr… je le garde.

— Malgré ma prière ?