Page:Sue - Martin l'enfant trouvé, vol. 5-6.djvu/400

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— Veuillez… je vous en conjure, ne pas dire à Monsieur votre fils dans quelles circonstances singulières j’entre au service de Mme de Montbar.

— Comment ?

— Pour des raisons dont je puis seul apprécier l’importance, et qui n’ont rien que d’honorable. Veuillez cacher à Monsieur votre fils que je suis peut-être… au moins par mon dévoûment bien désintéressé, je vous le jure… au-dessus de la condition à laquelle je me résigne avec bonheur…

— Ainsi, tu désires ?…

— Que Monsieur votre fils ne voie en moi qu’un serviteur honnête auquel vous vous intéressez, et à qui vous voulez seulement assurer une bonne place… chez la princesse.

— Ton secret t’appartient, il sera sacré pour moi… En tous cas, je n’eusse pas, sans ton consentement, dit à mon fils un mot de ce que tu m’as confié… Je le prierai… donc… ou plutôt, — dit le vieillard en se reprenant avec un accent mélancolique, — je lui écrirai tout-à-l’heure dans les termes que tu désires ;… quant à ce qui le concerne… et…

Le docteur Clément ne put achever, la porte de sa chambre s’ouvrit brusquement, et le capitaine Just parut.

À l’aspect imprévu du capitaine, le docteur se dressa sur son séant, et s’écria : — Mon fils ! — tandis que son visage décoloré accusait une indicible expression de souffrance aiguë et de joie ineffable… car si cette émotion soudaine, profonde, lui portait un dernier et terrible coup, le bonheur inespéré de revoir son fils, triomphait de la douleur matérielle.