Page:Sue - Martin l'enfant trouvé, vol. 5-6.djvu/79

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Par hasard elle tourna la tête de mon côté… pendant une seconde à peine son regard triste et distrait s’arrêta machinalement sur moi…

Mes yeux rencontrèrent les miens… sans qu’elle parût d’ailleurs s’en apercevoir.

À ce moment, le passage devenu libre, la voiture où Régina se trouvait en compagnie d’une autre femme, continua sa route et disparut.

Le regard de Régina fut électrique ; une lueur divine éclaira soudain l’abîme où j’allais tomber… Ma résolution fut prise en un instant.

Je me trouvais séparé du cul-de-jatte par plusieurs personnes un moment arrêtées comme nous ; à ma gauche, je vis une porte-cochère ouverte, et sous sa voûte les dernières marches d’un escalier ; profitant d’un moment où mon compagnon, sans défiance, regardait d’un autre côté, j’entrai vivement sous la porte-cochère sans être remarqué du portier, je montai en hâte l’escalier jusqu’au premier étage, puis j’accomplis très-lentement mon ascension jusqu’au cinquième, prêt à demander un locataire inconnu pour expliquer ma présence dans cette maison.

Je voulais donner au cul-de-jatte le temps de s’éloigner et de courir à ma recherche à l’un ou à l’autre bout de la rue. Après m’être arrêté quelques instants au dernier étage, je redescendis très-lentement, faisant une pause à chaque palier ; je gagnai ainsi un quart d’heure environ, puis je sortis avec précaution, regardant çà et là dans la rue, avant de quitter la voûte de la porte-cochère.

Le cul-de-jatte avait disparu.