Page:Sue - Martin l'enfant trouvé, vol. 5-6.djvu/97

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devenait alors très-difficile de l’arracher à ses étincelantes visions.

Un matin, il m’avait dit en me remettant son précieux sac rempli de plusieurs rouleaux de papier :

— Martin… il y a là-dedans — 1o un Cœur broyé ; — 2o les Rires de Satan ; — 3o les Facéties d’un Pendu… — Une lettre accompagne chaque manuscrit… Chaque manuscrit et chaque lettre est adressée à un libraire différent. Je te défends expressément de te dessaisir de chaque manuscrit à moins d’une somme de quatre mille francs. Total, douze mille francs… pour les trois manuscrits. Et surtout… Martin… surtout ! ne reçois ces sommes qu’en or, entends-tu bien ?… en or, c’est convenu et arrêté avec mes libraires. Pas de billets de banque, pas d’écus, mais de l’or, tu comprends bien ?

— Oui, Monsieur.

— Voici une petite boîte qui renfermera très-facilement ces six cents louis… en voici la clef… mets la boîte dans le sac… et défie-toi, Martin… il est de bien habiles filous… ils rôderont autour de toi… prends garde ; ces gaillards-là flairent l’or… d’une lieue.

— Soyez tranquille. Monsieur, je ferai bien attention.

Balthazar Roger me donnait ces ordres avec tant de bonne foi, il croyait si naïvement lui-même aux six cents louis futurs, que, malgré bien d’autres déceptions éprouvées déjà, je finissais par partager sa conviction ; mais, hélas ! l’illusion durait peu, et je revenais quelques heures après mon départ.