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dégradées, crevassées, construites en pisé, sorte de mortier fait de terre de sable auquel, lorsqu’il est à l’état liquide, on donne un peu plus de cohésion en y ajoutant du foin haché.

La toiture, effondrée en de nombreux endroits, était recouverte ici de tuiles ébréchées, rongées par la mousse ou par la vétusté, là de chaume à demi pourri par l’humidité, plus loin de touffes de genêts desséchés, amoncelés sur une charpente boiteuse.

Ces bâtiments, formant la grange, la bergerie, l’écurie, l’étable et le logement du métayer, entouraient une cour aux trois quarts remplie d’une masse de fumier infect, baignant dans une mare assez creuse, aux eaux noires, fétides et stagnantes, entretenue par le suin[1] et par les filtrations du sol marécageux. Cet amas de liquide nauséabond, couvert d’une couche de viscosité bleuâtre, envahissait tellement la cour du côté de l’habitation du fermier, que celui-ci s’était vu forcé de construire une sorte de digue en pierraille, recouverte de fagots d’ajoncs épineux, où aboutissaient trois ou quatre marches moussues, disjointes, qui conduisaient à la seule chambre dont se composait son logis.

Au levant de cette métairie, enfouie dans un bas-fond si malsain, s’étendait une immense plaine de landes tourbeuses ; au nord s’élevait un massif de grands chênes, tandis qu’au couchant une étroite chaussée de gazon séparait seulement ces bâtiments d’un vaste marais, l’hiver et l’automne toujours couvert d’un épais brouillard, et qui, l’été, lorsque aux ardeurs du soleil

  1. Partie liquide qui, à la longue, se dégage du fumier.