Page:Sue - Martin l'enfant trouvé.djvu/113

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charité-là, car le guignon le poursuit, — dit la fille de ferme, appelée la Robin, qui, nous l’avons dit, n’avait plus de la femme que le nom. — On dit que le régisseur de M. le comte va renvoyer maître Chervin de la métairie parce qu’il ne peut pas payer.

— Qu’est-ce que ça nous fait, à nous ? — dit brutalement un des valets de charrue. — Il y aura toujours un métayer à la métairie. Obéir à Pierre ou à Nicolas… bon à crever dans un fossé ; ça m’est bien égal, en attendant que je sois comme le père Jacques.

— Et dire que, dans les temps, le père Jacques a été un si habile et si fort travailleur ! — reprit l’autre charretier.

— Et à présent, fini… perclus de tous ses membres.

— C’est les froidures des défrichements marécageux qui l’ont tortillé comme ça en manière de manche de serpe.

— Et puis, plus tard, les rosées des nuits d’automne, quand il était berger.

— Et il nous en pend autant aux reins, à nous, quand nous serons vieux, et peut-être avant… Faut pas rire ;… moi, les fièvres ne me quittent plus.

— Dam !… il nous en cuit à nous ni plus ni moins qu’aux autres, — dit la Robin, pauvre et laide créature, qui ne manquait pas d’insouciance, la philosophie des humbles. — À force de piocher, les pioches s’ébrèchent, et quand elles sont usées, on les f…iche au rebut. Quoi qu’on peut faire à ça ?

— Rien… bien sûr ;… c’est le sort…