Page:Sue - Martin l'enfant trouvé.djvu/118

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porter du foin au château, j’ai regardé en passant, dans le chenil, maître Latrace, le piqueur, leur tremper la soupe… Ah ! mais, c’étaient des têtes de mouton, des tripes, du cœur de bœuf, une vraie soupe de marié !…

— Dam… tout le monde ne peut pas être des chiens de chasse, non plus… — dit la Robin avec une sorte de résignation naïve, et sans la moindre intention ironique. Le vœu de la fille de ferme parut d’ailleurs si naturel, que ces paroles ne donnèrent lieu à aucun commentaire.

À ce moment les gémissements qui partaient de l’étable, se firent entendre de nouveau, et la voix appela Bruyère avec un accent d’impatience croissante.

— Tiens, le père Jacques qui appelle Bruyère ;… le pauvre vieux s’impatiente, — dit la Robin.

— Au fait, c’est drôle, voilà bientôt la nuit… et la petite n’est pas rentrée avec ses dindes, dit un des charretiers ; — c’est pas pour la pâtée que je dis ça… il lui en restera toujours plus qu’il ne lui en faudra.

— C’est vrai ; cette petite fille mange comme un roitelet, et encore elle mange,… parce qu’elle le veut bien, — dit l’autre d’un air mystérieux ; — si elle voulait,… elle ne mangerait pas du tout.

— Je ne dis pas non, — reprit la Robin en secouant la tête, — puisqu’elle est charmée ; témoins ses dindes qui la connaissent, l’aiment, lui obéissent, et sont pour elle comme pas un chien pour son maître.

— Sans compter que ses deux gros coqs-d’Inde, qui sont si mauvais, vous dévisageraient si on avait le malheur d’entrer la nuit dans le perchoir, où Bruyère perche