Page:Sue - Martin l'enfant trouvé.djvu/346

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des forces et qu’il se lève, Monsieur Bête-puante ? il ne peut rien manger, le caillé le répugne.

— C’est étonnant, — reprit Bête-puante toujours sardonique, — car depuis soixante ans il ne mange que cela avec du blé noir, arrosé d’eau de puits…

— C’est pas que le cher homme soit délicat, Monsieur Bête-puante, mais…

— Tais-toi, pauvre brebis, — dit le braconnier, avec un singulier mélange de farouche ironie et d’attendrissement, — tu me rendrais cruel envers les loups.

Puis le braconnier, plongeant sa main dans une des poches profondes de sa casaque, en tira un coq faisan magnifique, ayant encore au cou le collet de fil de laiton dans lequel il s’était pris.

— Voilà un coq de deux ans ; tu le mettras bouillir dans ton coquemard pendant trois ou quatre heures, avec une pincée de sel et un bouquet de thym des bois ; ce sera pour le bonhomme le meilleur bouillon que puisse boire un malade, et il retrouvera des jambes.

— Hélas ! mon Dieu ! vous braconnez donc encore, Monsieur Bête-puante, — s’écria la métayère avec effroi, en tenant machinalement par le cou le faisan que le braconnier lui avait mis dans la main, — et les gardes ?… et les gendarmes ? Ils ont juré de vous détruire, Monsieur Bête-puante, s’ils vous attrapaient. Prenez garde !!

— Et quand il aura bu ce bouillon de faisan, sain et léger, — continua le braconnier, sans faire la moindre attention à l’effroi de la métayère, — il ira mieux ; s’il est malade, c’est aussi de besoin.

— Mais, Monsieur Bête-puante, ce faisan… c’est