Page:Sue - Martin l'enfant trouvé.djvu/358

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mort… que j’avais le droit de lui donner ; mais ayant foi dans une promesse solennellement jurée, dont il devait bientôt se railler, je l’ai laissé vivre…

À ces mots, les traits de Martin exprimèrent un attendrissement et une admiration indicible.

— Oh ! mon ami, — s’écria-t-il, — combien dans cette occasion votre âme s’est montrée comme toujours grande et généreuse ! Je n’oublierai jamais qu’il y a quelques années, lors de l’une de nos dernières rencontres, après une longue séparation, vous m’avez dit, sans m’apprendre alors qu’il s’agissait de vous : — « Écoute, mon enfant… un trait qui porte avec soin bon enseignement,… un homme obscur et pauvre fut indignement outragé par un homme riche et puissant… C’était, vois-tu, un de ces sanglants outrages… que la loi vous autorise à punir de mort. L’homme pauvre était armé,… il dit à l’autre : — Vous allez mourir… — Ma vie est à vous, — faites… — dit le riche. — Écoutez-moi, reprit gravement le pauvre, jusqu’ici vous avez été méchant… soyez bon… soyez humain,… venez en aide à vos frères qui souffrent,… vous qui êtes pour eux sans pitié, jurez-le moi, et vous vivrez… ; mais, prenez garde, votre outrage m’a rendu pour jamais l’existence odieuse, elle m’est à charge ; si vous vous parjuriez malgré votre promesse solennelle, tôt ou tard j’irais vous reprendre cette vie que je vous laisse pour en bien user… Puis, le juge et le condamné auraient la même fosse… Le riche a juré…

— Va… continue… — dit le braconnier en interrompant Martin avec une ironie profonde et amère ; —