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rents métiers plus ou moins hasardeux la Levrasse comptait celui de saltimbanque nomade ; c’était son état de prédilection ; s’il l’abandonnait généralement pendant l’hiver pour celui de colporteur et de sorcier ambulant, c’est d’abord parce que les représentations en plein vent ne sont fructueuses et possibles que pendant la belle saison ; c’est qu’ensuite le personnel de la troupe de la Levrasse se désorganisait souvent.

En parlant des différents métiers de la Levrasse, je dois mentionner celui d’acheteur de cheveux coupés sur place, ce qui explique d’ailleurs l’abondance des dépouilles capillaires suspendues au plafond de ma chambre.

Oui, la Levrasse était aussi de ces industriels qui à l’époque de l’année où le froid est le plus rude, le salaire le plus rare, le plus minime, où la misère est enfin la plus intolérable, parcourent les plus pauvres provinces de la France, afin de tenter par une offre de quinze ou vingt sous les jeunes filles indigentes, et de leur acheter à ce prix leur belle et soyeuse chevelure, seule parure de ces infortunées.

La compagne de la Levrasse, la gigantesque mère Major, ainsi surnommée, en raison de sa stature et de son apparence de tambour-major, remplissait, lors des représentations publiques, l’emploi de femme géante, véritable Alcide femelle qui s’arc-boutant sur les pieds et sur les mains, la tête renversée en arrière, engagea trois hommes de l’honorable société, choisis parmi les plus robustes, à lui faire le plaisir de lui piétiner le ventre, ce qu’elle endura héroïquement sans ployer un instant les reins, après quoi passant à d’autres exercices,