Page:Sue - Martin l'enfant trouvé.djvu/97

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— L’accusation qui pèse sur vous est grave, mon fils ; aussi, malgré les apparences, j’espère qu’elle n’est pas fondée… Non que je craigne plus que vous et pour vous de folles menaces ; mais parce que j’aime à croire que vous n’avez pas même donné le prétexte de vous les adresser.

Aux premières paroles du comte, un profond silence avait succédé au tumulte ; chacun attendait la réponse de Scipion, réponse qui devait ou apaiser ou exaspérer l’irritation générale. Le regard désolé, suppliant de Raphaële semblait conjurer le vicomte de mettre un terme à cette pénible scène.

— Répondez, Scipion,… répondez ! — s’écria le comte.

— Je déclare, — dit le vicomte d’une voix aussi calme que railleuse, en promenant son lorgnon sur la foule menaçante, — je déclare que j’avais d’abord trouvé drôle qu’une gardeuse de dindons se fût amusée à orner de mon nom le fruit de ses loisirs champêtres et… décolletés ; mais, en présence des menaces mirobolantes de ces peu respectables champions de la Dindonnière, qui me paraissent soûls comme des grives, je trouve amusant de proclamer que l’enfant est de moi.

Et comme une explosion de cris furieux accueillait cette déclaration de Scipion, l’œil étincelant, la lèvre frémissante, le front indomptable, l’adolescent fit deux pas en avant, croisa ses bras sur sa poitrine, et s’approchant, presque à le toucher, du paysan le plus avancé de tous, il répéta d’une voix brève et ferme :

— Oui, l’enfant est de moi… Eh bien… après ?

Le regard, le geste, l’attitude de Scipion décelaient