Page:Sully Prudhomme - Épaves, 1908.djvu/104

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
90
ÉPAVES



Descartes, c’est ton être, où point ta conscience
Qui le nomme à lui-même et l’impose à ta foi.
Tu dis, forçant le doute à fonder la croyance :
« Puis-je douter sans être ? Il me faut croire en moi. »

Fort d’un titre avéré, tu fouilles ton domaine,
Et voilà que tu sens au mur de ton cerveau
Heurter un visiteur plus grand que l’âme humaine,
Un muet formidable, étrangement nouveau.

D’où vient-il ? — Aussitôt d’inébranlables suites
Surgissent par degrés de ton premier aveu,
Et ces marches d’airain sur le granit construites
Escaladent le ciel du fond de l’âme à Dieu !

Les fronts ont salué, tous, du portique au temple,
Dans l’angoisse levés ou posés sur l’autel,
La preuve, désormais plus profonde et plus ample,
D’un soupirail ouvert sur le monde éternel.