Page:Sully Prudhomme - Épaves, 1908.djvu/80

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
66
ÉPAVES



Sur les lèvres en fleur voltige le caprice :
Il offre leur sourire aux baisers imprudents
Comme un zéphyr d’avril dont l’aile tentatrice
Ouvre la rose et l’offre aux moucherons ardents ;

Mais, comme le zéphyr du revers de son aile
Fermant le frais calice à leur soif le soustrait,
Le caprice nous leurre et la bouche infidèle
Se dérobe à l’amour qui s’y désaltérait.

Malheur à nous ! Malheur ! Si nous ne pouvons vivre
Sans ce regard trop cher et ce baiser de miel ;
Ce double philtre au cœur, qu’un moment il enivre,
N’apporte qu’un enfer sous le masque d’un ciel.