Page:Sully Prudhomme - Œuvres, Poésies 1865-1866.djvu/190

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INCANTATION


 
La nuit claire bleuit les feuillages tremblants,
Pose un crêpe mouillé sur les roses bruyères,
Fait luire les talus comme des linges blancs,
Baigne les ravins d’ombre, et d’azur les clairières.

Dans son nimbe nacré la lune resplendit,
Large et lente, effaçant les profondes étoiles ;
La colline se hausse et le vallon grandit ;
L’air froissé d’un vent tiède a des frissons de voiles.

La forêt, fraîche encore après un long soleil,
Répand sa jeune odeur et son goût de résines,
Et grave, balancée en un demi-sommeil,
Écoute chez les morts travailler les racines.