Page:Sully Prudhomme - Œuvres, Poésies 1865-1866.djvu/217

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Marie est sans beauté, car la vieillesse est laide ;
      Elle faiblit tout simplement ;
Un groupe désolé pleure et lui vient en aide,
      Et c’est sublime exactement.
Enfin l’artiste est là (car il s’est peint lui-même),
      Casque en tête, au bas du tableau ;
Il saluerait son Dieu, si par candeur suprême
      Il ne se fût peint en bourreau.

Ainsi le peuple court, la ville est très vivante,
      Pendant que Jésus boit son fiel.
Tout est vrai, tout est simple. Une chose épouvante :
      Le bleu limpide et froid du ciel.
C’est moins ce front pâli, mordu par les épines,
      Cet œil noyé d’un pleur vermeil,
Ce sont moins ces soudards aux sordides rapines
      Qui navrent, que ce plat soleil.
Il est affreux de voir, en face du martyre,
      Le médiocre aller son train ;
On sent que l’Espérance à pas lents se retire,
      Prise d’un dédaigneux chagrin.
Oh ! par pitié, la foudre, et les vents, et la pluie !
      Le ciel a sa tâche à remplir :
Ce Christ est mort, c’est fait ; qu’au moins son Dieu l’essuie