Page:Sully Prudhomme - Œuvres, Poésies 1865-1866.djvu/309

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Enfouisse avec lui la coupe avec le miel ?
Si haut que dans l’azur il ait porté sa tête,
Il n’a pas visité tous les pays du ciel !
Le pinceau n’est trempé qu’aux sept couleurs du prisme,
Sept notes seulement composent le clavier,
Il suffit, pour surgir, d’un glaive à l’héroïsme,
Pour déplacer le monde il suffit d’un levier !
Faut-il plus au poète ? et ses chants pour matière
N’ont-ils pas la science aux sévères beautés,
Toute l’histoire humaine et la nature entière ?
Ah ! ce thème éternel est riche en nouveautés.

L’art ressemble à la terre où les graines ardentes
Trouveront tous les ans du suc et des amours,
Où les moissons jamais ne sont plus abondantes
Qu’après qu’elle a subi les plus profonds labours.
Les lâches seuls ont peur d’une autre renommée,
Ils murmurent : « Assez » parce qu’ils n’osent pas.
Mais ceux pour qui la muse est une bien-aimée
Cherchent encor sa bouche et n’en sont jamais las.
Un dieu que tout poète en ses préludes nomme
Descendit parmi nous ; salué par les bois
Il chantait ; mais le dieu n’intimidait pas l’homme,
Et des pâtres mortels ont défié sa voix.