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la france.

VI

 
Tout le peuple passé marche et rêve en ces corps
Qui vont dans l’ignorance et l’oubli de leurs âmes,
Vains rejetons sevrés des mûrissantes flammes
Qui font jaillir la sève en richesse au dehors ;

Viennent les justes lois, mères des justes sorts,
Relever tant de fronts plus ténébreux qu’infâmes,
Viennent les fortes mœurs, comme de puissants blâmes
Dans les cœurs dégradés secouer le remords !

Et l’on verra surgir de ces tombes mouvantes
La pensée et la force, à tout jamais vivantes,
Des grands hommes d’hier qui n’y sont qu’assoupis,

Comme, entière toujours en dépit des années,
L’immortelle vigueur des gerbes moissonnées
Passe, malgré l’hiver, en de nouveaux épis.