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le zénith.


Plus rien ne la défend, car elle n’est pas née
Pour une vagabonde et large destinée :
Il lui faut une assise, une borne, un chemin,
La tiédeur des vallons, et des toits l’ombre chère ;
Où la pensée aspire elle est une étrangère ;
Il lui faut l’horizon tout proche de la main.

Surtout il lui faut l’air ! L’air bientôt lui fait faute.
Alors s’élève entre elle et son invisible hôte,
Le génie aux destins de son argile uni,
L’éternelle dispute, agonie incessante :
La chair, au sol vouée, implore la descente,
L’esprit ailé lui crie un sursum infini…

Maître, dit-elle, assez ! mon angoisse m’accable…
— Plus haut ! lui répond-il. — Et d’un long flot de sable
L’équipage allégé se rue au ciel profond.
— Ô maître, quel tourment ta volonté m’inflige !
Je succombe. — Plus haut ! — Pitié ! — Plus haut, te dis-je.
Et le sable épanché provoque un nouveau bond.

— Grâce, mon sang déborde et je n’ai plus d’haleine.
— Plus haut ! — Arrêtons-nous ; maître, je vis à peine…
— Monte. — Oh ! cruel, encor ? — Monte ! esclave. — Encore ? — Oui.