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les vaines tendresses.


Regarde au loin comme un vol sombre
De corbeaux, vers le nord chassé,
Disparaître les nuits sans nombre
              Du passé,

Et comme une immense nuée
De cigognes (mais sans retours !)
Fuir la blancheur diminuée
              Des vieux jours…

Hors de la sphère ensoleillée
Dont nous subîmes les rigueurs,
Quelle étrange et douce veillée
              Font nos cœurs ?

Je ne sais plus quelle aventure
Nous a jadis éteint les yeux,
Depuis quand notre extase dure,
              En quels cieux.

Les choses de la vie ancienne
Ont fui ma mémoire à jamais,
Mais du plus loin qu’il me souvienne
              Je t’aimais…