Page:Sully Prudhomme - Œuvres, Poésies 1878-1879, 1886.djvu/117

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Se forment, et d’où vient leur souple mouvement ;
Car il suffit d’un vide épars dans la Nature.
Mais si de tous les corps les éléments sont mous,
La naissance du fer et de la pierre dure
Demeure sans principe et sans raison pour nous,
Faute de quelque assise où la Nature fonde.
Il doit donc exister de durs et simples corps
Dont le compacte amas puisse produire au monde
Le tissu plus serré de tous les êtres forts.
Qu’on suppose les corps divisés sans limite :
Il faut bien que pourtant, depuis l’éternité
Jusqu’à présent, des corps aient toujours subsisté
Dont la masse n’a point encore été détruite.
Or, dit-on, leur essence est la fragilité ;
Comment donc, subissant des assauts innombrables,
À travers tous les temps sont-ils demeurés stables ?
     Puisqu’aux espèces donc la Nature a prescrit
Leur degré de croissance et leur fixe durée ;
Que la part de pouvoir qui leur est mesurée
En de constantes lois trouve son terme écrit ;
Puisque, loin de changer, l’ordre des choses reste,
Si bien que les oiseaux, tout variés qu’ils sont,
Gardent du genre en eux le signe manifeste,
L’atome, dans tout être, est l’immuable fond !
Car si les éléments qui forment toute essence
Étaient par quelque atteinte au changement sujets,
On ne saurait quels corps pourraient prendre naissance
Ou ne le pourraient pas, la dose de puissance
Et le terme inhérents à l’être des objets,
Ni comment chaque race eût transmis sa nature,