Page:Sully Prudhomme - Œuvres, Poésies 1878-1879, 1886.djvu/127

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De petits corps nerveux et des veines complètes,
De petits os, du sang réduit en gouttelettes ;
Dans ce cas, l’aliment, qu’il soit humide ou sec,
Est donc hétérogène : il y faut reconnaître
Des nerfs, des os, du sang, mainte autre humeur avec.
     De plus, si tous les corps que du sol on voit naître
S’y trouvent en petit, le sol implique alors
Des germes d’un genre autre, autant qu’il fait de corps.
Et de tous les objets tu peux ainsi l’entendre :
Le bois cachant en lui flamme, fumée et cendre,
Des germes d’un genre autre y sont donc inhérents ;
Tous les corps que la terre alimente y vont prendre
Des corps différents d’eux, nés de corps différents.
     Il restait au système une ombre de refuge ;
Anaxagore ici s’en empare : il préjuge
De tous les corps dans tous le mélange secret ;
Seul le corps dont la dose y domine apparaît,
Le premier sous la main et le premier qu’on voie.
C’est là du vrai pourtant se beaucoup éloigner :
Dans les blés, quand le grès d’un âpre effort les broie,
La présence du sang se devrait témoigner,
Et des autres produits que notre corps sécrète ;
On devrait voir la meule en mouvement saigner.
Des herbes et de l’eau serait de même extraite
Une rosée exquise et semblable de goût
Au lait dont les brebis ont la mamelle pleine.
Rien qu’en pulvérisant les glèbes de la plaine,
On verrait, dispersés en embryons partout,
Herbes, moissons, forêts, dans le sein de la terre.
Enfin le bois rompu révélerait le feu,