Page:Sully Prudhomme - Œuvres, Poésies 1878-1879, 1886.djvu/206

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Charmeuse du vouloir et fléau de l’honneur,
Il n’est pas de remords que la Beauté n’endorme :
Quel saint n’a fait un jour le sacrifice énorme
D’un paradis futur à son joug suborneur ?

Qu’aveugle à son mirage un tiède raisonneur,
Pour savoir ce qu’elle est, chez Platon s’en informe !
Elle est, pour qui la voit, l’irrésistible forme
Qui se rend préférable à tout, même au bonheur.

C’est que l’intégrité du moule de la race
Est confiée au choix que la Beauté vous trace,
Amants qu’elle apparie et force à se choisir !

Et chez les bêtes même, un sens de la figure,
Où l’œil révèle au sang sa préférence obscure,
Assortit les époux qu’accouple le désir.




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