Page:Sully Prudhomme - Œuvres, Poésies 1878-1879, 1886.djvu/40

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priétés qui nous les rendent perceptibles, qu’est-ce que la couleur, le son, la chaleur, le poids, etc. Il lui appartient par conséquent de définir le rapport réel des sens au monde extérieur et de faire tomber toutes les illusions de la connaissance spontanée. Elle a préparé admirablement la solution du problème, mais elle semble ne pas apercevoir toute la portée de ses notions acquises ; on dirait qu’elle craint de réfléchir à fond sur ses données.

Il est suffisamment établi aujourd’hui que la diversité de nos sensations (couleur, chaleur, son, etc.) est due aux propriétés différentes des nerfs, optiques, tactiles, acoustiques, etc., mais que le phénomène extérieur qui affecte les nerfs est toujours le même, à savoir, la vibration, un mouvement identique en nature au mouvement constaté et créé par le toucher, bien que l’agent excitateur ne soit pas le même pour tous les sens et qu’il puisse être souvent trop subtil pour être mesuré par les nerfs du tact. Une preuve bien décisive de ce fait, c’est qu’il suffit de toucher un nerf quelconque pour déterminer la sensation, sans avoir recours à l’agent ordinaire qui l’ébranle. Ainsi tout phénomène d’impression sur nos sens est un phénomène de l’ordre tactile, et la méthode de la physique consiste jusqu’à présent à tenter la conversion de tous les phénomènes d’impression en simple mouvement vibratoire d’un milieu élastique ébranlant les nerfs. Toutes les prévisions du calcul fondées sur cette idée préconçue s’étant vérifiées par l’expérience, l’hypothèse confine à la réalité. Les conséquences en sont immenses. Si nous pouvons acquérir quelque notion de l’être des choses extérieures qui nous impressionnent, nous ne l’acquerrons donc qu’en étudiant la cause du mouvement et de la résistance dans le phénomène du toucher. La matière ne se