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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

commençait à être inquiétante, pouvaient devenir d’un moment à l’autre un sujet de grave embarras ; c’est pourquoi les secours de France étaient attendus avec impatience. L’automne de 1617, après le départ de Champlain, il ne restait que cinquante-deux âmes à Québec. Vers le printemps qui suivit, les Sauvages, au nombre de huit cents, s’assemblèrent aux Trois-Rivières et décidèrent de se défaire de tous les Français. Le complot fut révélé au Frère Pacifique Duplessis par un chef, et le bon religieux fit avertir le sieur Beauchaine, facteur et commis de la compagnie, commandant de Québec en l’absence de M. de Champlain. Les récits du temps nous font voir que, si la situation de Québec était précaire, tant sous le rapport des vivres que sous celui du personnel en état de contribuer à sa défense, les Montagnais et les Algonquins n’étaient guère plus à l’aise : ils mouraient de faim, et craignaient par dessus tout les armes à feu des Français. Beauchaine avait de l’énergie. Il parla de se faire livrer les coupables et de les pendre. Son audace le tira d’affaire. Les Sauvages allèrent en foule, avec femmes et enfants, implorer pardon et protester de leur attachement aux Français. La guerre que les Iroquois commencèrent quelques mois plus tard contre les Algonquins eut pour effet de sceller définitivement l’alliance de cette dernière race avec les compagnons de Champlain.

Au printemps (1618), Pontgravé arriva de France, apportant des provisions dont le besoin se faisait sentir impérieusement. « On ne savait plus que manger, tout le magasin était dégarni et il n’y avait plus de champignons par la campagne, ni de racines dans le jardin ; on regardait du côté de la mer et on ne voyait rien arriver ; la saison se passait et tous se désespéraient du salut du sieur de Pont et d’être secourus assez à temps. Les Religieux étaient assez empêchés de consoler les autres, pendant qu’eux-mêmes pâtissaient plus que tous. Le sieur du Pont ayant mis ordre à tout ce qui était nécessaire pour l’habitation (Québec), et consolé un chacun de ses victuailles, il monta aux Trois-Rivières pour la traite, où le Père Paul (Huet) fit dresser une chapelle avec des rameaux pour la sainte messe, qu’il y célébra tout le temps qu’on fut là[1] ».

L’un des commis de la compagnie des marchands, nommé Loquin, se rendit de Tadoussac aux Trois-Rivières avec Pontgravé. On le retrouve, en 1620, sur le Saint-Laurent ; plus tard (1623), il était lieutenant de M. de Caen pour la traite.

Le sieur Deschesne était aussi au rendez-vous des Trois-Rivières en 1618. De retour de France (1620), il voulut s’emparer, près du Bic, d’un vaisseau de la Rochelle qui agissait en contravention aux ordres de la compagnie ; il alla ensuite traiter à la rivière des Iroquois. Revenu de France (1623), il se rendit à la traite, vers le lac Saint-Pierre ; descendit à Tadoussac chercher des vivres pour Québec, et partit pour Gaspé. En 1624, il était en Acadie, où cinq de ses hommes furent tués par les Sauvages.

La même année 1618 vit arriver deux ou trois personnes qui appartiennent spécialement à notre histoire.

Eustache Boulé, né 1600, frère de madame de Champlain, débarqua avec Pontgravé.

  1. Sagard, Histoire du Canada, pp. 46-8.