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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

le bas du fleuve. Son activité était comparable à celle de son oncle ; comme elle aussi, elle était toute dirigée vers le commerce. De 1621 à 1627, période durant laquelle le Canada fut virtuellement gouverné par les de Caen, il ne s’y fit pas d’autres progrès que ceux accomplis par Champlain avec les minces ressources dont celui-ci disposait ; aussi voit-on qu’il s’en plaint amèrement dans son rapport de 1627. Guillaume de Caen n’était pas revenu à Québec cette année, à cause de la défense qui lui en avait été faite ; c’était son neveu qui le remplaçait, avec l’aide de Pontgravé ; mais ils étaient souvent aux prises ; car Pontgravé représentait ou les intérêts ou l’esprit de l’ancienne compagnie qui avait été forcée de s’amalgamer avec celle du sieur de Caen, et cela constituait en quelque sorte un troisième parti : celui de Champlain et des habitants, celui de Pontgravé et des anciens marchands, et celui de la compagnie de de Caen. Dans son Histoire de la Nouvelle-France (i, 166), Charlevoix dit que Pontgravé retourna à Québec (1627) « pour quelques intérêts de M. de Monts[1] et de la société. » De son côté, Champlain explique que Pontgravé était revenu à Québec (17 juin) sur la prière que lui en avait faite Guillaume de Caen, disant « que s’il trouvait moyen de passer en quelque vaisseau pour s’en venir hiverner en ce lieu (à Québec), il lui ferait un sensible plaisir, pour avoir l’administration des choses qui dépendaient de son service. Ce que voyant, tout incommodé qu’il était, par l’instante prière qu’il lui en avait faite, il s’était embarqué en un vaisseau de Honfleur pour venir à Gaspé, et de là prit une double chaloupe avec six ou sept matelots et son petit-fils[2], pour s’en revenir à Québec, où en chemin il avait reçu de grandes incommodités de ses gouttes, ce qui en effet étonna un chacun, et même le dit de la Ralde[3], à ce qu’il me dit, qu’il n’eut jamais cru que le dit du Pont eut voulu se retirer en un tel risque ayant l’incommodité qu’il avait[4]. »

Cinq ou six colons importants paraissent être venus dans le pays vers cette date, sinon auparavant :

Noble homme Jean Godefroy, sieur de Lintot, né 1608, fils de Pierre Godefroy et de demoiselle Perrette Cavelier, de Lintot, au pays de Caux, Normandie, fut amené dans la Nouvelle-France par Champlain et servit d’interprète durant plusieurs années. Il était d’une famille dont quelques membres avaient été anoblis[5]. Lorsque les Anglais eurent pris Québec (1629), Godefroy se retira chez les sauvages ses amis, et au retour de Champlain (1633), il se fixa aux Trois-Rivières. On peut le regarder comme le fondateur de ce dernier poste. Il épousa (15 décembre 1636) Mlle Marie Leneuf, native de Caen. La compagnie des Cent-Associés lui concéda quatre ou cinq seigneuries aux environs des Trois-Rivières. En 1651, il était membre du conseil de la colonie. Louis XIV lui accorda des lettres de noblesse (1668), renouvelées plus tard (1721) en faveur de son petit-fils, le juge René Godefroy de Tonnancourt. Cette belle famille a brillé pendant plus d’un siècle parmi nous.

  1. Faut-il croire que de Monts vivait encore ?
  2. Desmarêts. Un autre parent de Pontgravé, le capitaine La Salle, naviguait alors dans le Saint-Laurent, au Maine et au Labrador.
  3. Revenu de France, cette année (1627), il y retourna à l’automne.
  4. Œuvres de Champlain, p. 1125, 1210.
  5. Voir la Revue de Montréal, 1880, p. 357.