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pourtant les domineront à la longue et bientôt. Cependant, elles sont également soumises, dès leur arrivée dans ce pays, aux lois imposées aux premiers habitants ; car la disposition du terrain et le climat ont exercé sur la distribution des établissements une influence qui persiste et domine notre état social et nos habitudes, à l’empire de laquelle les populations nouvellement établies parmi nous ne peuvent résister complètement. »

Passons en revue quelques-unes des coutumes des anciens Canadiens ; descendons dans l’intérieur des familles. L’Histoire se compose plus véritablement de détails que de grand événements. Voici d’abord deux faits qui nous donnent une idée de l’état de fortune des habitants :

Madeleine Boucher, fille de Gaspard, apportait à Urbain Baudry, son mari, par contrat de mariage (1647), quatre draps, deux nappes, six serviettes de toile de chanvre, un matelas, une couverture, deux plats, six cuillers et six assiettes d’étain, une marmite et une chaudière, une table et deux formes, une huche à boulanger, un coffre fermant à clef, une vache et deux cochons. La mariée recevait en outre de ses parents un habit selon sa qualité et du linge à discrétion. Par le contrat de mariage de Louis Prudhomme avec Roberte Gadois (1650), le sieur Gadois, père, donne à sa fille, outre la somme de cinq cents livres, un lit complet, cinquante aunes de toile, une vache avec son veau, six plats, six assiettes, un pot d’étain. Dans un pays nouveau, tel qu’était alors le Canada, ces objets mobiliers, qu’on ne pouvait se procurer qu’avec beaucoup de peine, étaient considérés, à cause de la sévérité des mœurs primitives, comme une sorte de luxe qui ne pouvait être le partage que d’un très petit nombre de colons.

Dans les répertoires ou inventaires de mobiliers qui datent de 1650 à 1660, on rencontre l’énumération de certains objets qui ne sont plus en usage ou qui ont été considérablement modifiés depuis cette époque. Par exemple : petites et grandes bancelles, escabeaux, pots de fer (en quantité), chaudières de cuivre rouge, pot de chambre de cuivre, plomb en masse, moules à faire du plomb à tirer, moules à balles, tenailles à couper le plomb, épées emmanchées, fusils, arquebuses, pistolets, poudre à tirer, tasses, cuillères et fourchettes d’argent. La vaisselle de faïence n’est mentionnée nulle part, ni les couteaux de table, ni les fourchettes en métal commun. Point de poterie non plus ; aucun ferblanc. Les chaises sont remplacées par des escabeaux, des bancelles et des formes, sorte de bancs longs à dossier.

« Nos couchettes sont de bois et se ferment comme des armoires, » écrivait, en 1643, la mère de l’Incarnation. C’étaient donc des bancs-lits ? « Quoiqu’elles soient doublées de drap ou de serge, à peine y peut-on se réchauffer, » continue-t-elle. Les inventaires de mobiliers nous parlent de lits de plume, de « couvertes » de laine, de draps de toile de lin et de paillasses en « couty ». Nous n’avons pas rencontré de mention de meuble appelé couchette ou bois de lit.

Qui nous racontera l’histoire du premier poêle apporté de France au Canada ? Lescarbot disait, en 1606, que les poêles d’Allemagne feraient bien l’affaire des hivernants de Port-Royal. En 1643, la mère de l’Incarnation parle des ursulines de Québec se chauffant au feu