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CHAPITRE IX


La Saint-Jean-Baptiste.



L

es Canadiens-français célèbrent tous les ans, avec une pompe extraordinaire, la fête de la Saint-Jean-Baptiste, qui est probablement la plus grande solennité nationale des deux Amériques, si l’on en excepte le Quatre-Juillet des États-Unis. En tous cas, la Saint-Jean est la plus ancienne fête que les Européens aient emportée avec eux dans le Nouveau-Monde, puisque ses origines datent des temps adamiques,


Lorsque le genre humain se nourrissait de glands.


La fête du solstice d’été — à présent la Saint-Jean — est donc antérieure à saint Jean-Baptiste lui-même !

Nous savons que les Perses, entre autres, honoraient la puissance suprême sous l’image du feu. Tant que les hommes n’ont pas connu le christianisme, ils ont été fidèles à cette superstition, après tout assez raisonnable puisqu’elle était un hommage rendu au Créateur ignoré. Le feu était censé tout produire — on l’adorait.

Les Gaulois nos aïeux, comme tous les peuples de l’antiquité, avaient des réjouissances publiques durant lesquelles ils allumaient de grands feux sur les hautes terres, les montagnes et les bords de la mer. Les habitants du pays de Galles, de la famille des Bas-Bretons (ils parlent encore la même langue), ont conservé l’habitude des feux du 24 juin.

Le christianisme, prudent et sage, n’attaqua pas de front les coutumes populaires ; il se contenta de leur imprimer un cachet religieux. Ainsi, il plaça sous le vocable de saint Jean-Baptiste l’antique cérémonie des feux du solstice d’été. Plus tard, au moyen-âge, lorsque les serfs étaient privés de leur liberté, il multiplia les fêtes religieuses qui forçaient les seigneurs de suspendre le travail manuel. Ces jours de repos, contre lesquels on s’est élevé si fortement par la suite, étaient tous à l’avantage de nos pères les Gaulois, écrasés sous le joug des Francs. Si nous avons perdu mémoire de ces bienfaits, il est juste de les rappeler en temps opportun. Ceux qui ont placé le coq gaulois sur le clocher de nos églises n’étaient pas indifférents aux besoins du peuple.