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à ce poste. C’est apparemment qu’ayant autrefois donné l’île de Montréal à la compagnie de ce nom, sous la condition générale d’y faire passer des hommes, il prétendait qu’elle devait en envoyer aussi pour cultiver ses propres terres, et fortifier Québec et les environs ; du moins blâmait-il les associés de Montréal de n’en pas envoyer de France un plus grand nombre. De plus, il s’attribuait le droit de lever un tribut sur les vivres, les hardes et les munitions qui passaient devant Québec pour monter à Villemarie ; et c’était vraisemblablement sur sa qualité de gouverneur-général qu’il fondait cette prétention. Il n’aurait pu, en effet, l’établir sur le privilège abusif qu’il avait accordé autrefois à François de Lauson, son fils, d’un droit exclusif de navigation sur le fleuve, puisque, par un acte en forme, il avait accordé à la compagnie de Montréal, tant en son nom propre que comme légitime administrateur des biens de son fils, le droit de navigation et de passage dans l’étendue du fleuve Saint-Laurent. Enfin, il trouvait mauvais qu’à Villemarie, les associés eussent un magasin pour y garder les hardes, les vivres et les munitions nécessaires aux colons et à la défense du pays, prétendant apparemment qu’ils auraient dû se procurer tous ces objets à Québec même, et c’est peut-être pour tous ces motifs et d’autres semblables que M. de Belmont dit, dans son Histoire du Canada, que M. de Lauson « persécuta le Montréal. »

Des plaintes ayant été portées à la cour, le ministre fit adresser par le jeune roi une lettre à M. de Lauson (8 mars 1655), qui enjoignait à ce dernier de laisser sa liberté d’action à la société de Montréal, laquelle possédait le droit de faire venir de France les objets dont elle avait besoin, et ce sans payer de droits à Québec[1].

Les Iroquois commettaient toujours des massacres. À part ceux déjà cités, il faut mentionner Mathurin Guillet, le sieur La Boujonnier, notaire, Jean Véron, Guillaume Isabel, Matris Belhomme, Jean Potvin dit Lagrave, Marin Terrier de Francheville, Jean Poisson, Jean Turcot, Thomas Godefroy, François Crevier, Emery Cailleteau, Dupuis, Langoumois, Deslauriers, Lapalme, Saint-Germain, Chaillon, Saint-Denis, Jean Houdan dit Gaillarbois, Le Valon, Plassey, chirurgien, Rochereau, assommés, brûlés à petit feu ou enlevés près des Trois-Rivières. Du même lieu désertèrent aussi « Barré, enspesade, et La Montagne, soldat ; La Rose, serviteur de M. de la Poterie, et un nommé Lépine ; Baudet, domestique de Mme veuve Jean Véron de Grandmesnil ; Lafond, La Verdure, Coquelin, Paul Langlois — ces cinq derniers qualifiés de matelots ; Des Noyers, Du Plessis, Lamontagne, Savary, Lafranchise, Des Lauriers et Tête-Pelée, serviteur de la veuve de Francheville. » Cette bande paraît avoir pris le chemin de l’Acadie ; elle périt de misère en route ; Paul Lafranchise, Savary, Deslauriers, Lafond moururent ; « il y avait des marques qu’ils s’étaient mangés les uns les autres. »

Aux alentours de Québec, les serviteurs s’enfuyaient des habitations, comme le montre à plus d’une reprise le Journal des Jésuites. François Boulé fut tué au Cap-Rouge ; au même lieu, Pierre Gareman dit le Picard et son fils Charles furent enlevés, ainsi qu’un jeune garçon nommé Hugues Le Couturier, et le frère jésuite Jean Liégeois périt non loin de Québec.

  1. Faillon : Histoire de la colonie française, II, 244-5.