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Montréal, Ottawa, la question change. Si tout ici n’est pas couleur de rose, il faut au moins convenir de l’erreur dans laquelle tombent, partout et toujours, nos amis de là-bas.

Prenons, au hasard, des citations, des aperçus, des commentaires puisés dans les livres que nous avons sous la main. Rien n’empêche d’y attacher un mot d’éclaircissement au besoin.

Un Anglais, qui venait de parcourir le Canada, au commencement de ce siècle, écrivit ces lignes empreintes de bon sens : « On devrait juger du climat d’un pays par le degré de santé, de fertilité et d’agréments qu’il nous procure. Sous ce rapport, le Canada est favorisé. Les étés sont très chauds, il est vrai, mais l’atmosphère est si pure et si claire que la chaleur n’en est point aussi oppressive que dans les climats dits chauds, où l’air est chargé d’émanations qui fatiguent la vie animale. Les hivers sont très froids, mais c’est un froid continu, sans intervalles de giboulées ; l’air est pur et clair comme en été ; c’est par excellence une saison où l’homme et la bête puisent de la vigueur et de la santé rien qu’en respirant sur le seuil de la porte ; le froid, au milieu de cet air vif et vivifiant, pénètre beaucoup moins que dans les pays où l’atmosphère est alourdie par l’humidité. Les brumes du golfe Saint-Laurent viennent de la mer ; on les ressent à peine à Québec ; les trois-quarts du Canada n’en ont aucune connaissance. Le froid n’exerce son action que sur la couche de neige qui couvre le sol ; il n’atteint pas la terre assez profondément pour gêner l’agriculture ; les semences ont lieu sitôt que la neige a disparu. »

Du froid à la chaleur, la transition est brusque. Risquons-la toutefois ; c’est un Français qui parle : « C’était au milieu de l’été que nous parcourions le Canada ; la chaleur était presque insurmontable, et déjà les fièvres périodiques de cette saison accablaient les laboureurs exténués des fatigues de la récolte. Quelques mots français, prononcés au hasard, nous rappelaient de temps en temps notre première patrie ; mais le teint jaune et livide des habitants, leur air mélancolique, démentaient cette gaîté indigène qu’ils conservent encore et s’efforcent de faire germer sous ce climat rigoureux. » Ce dernier écrivain visita le Canada en 1832, l’année du choléra, dont il ne dit pas un mot, aimant mieux mettre sur le compte de notre prétendue dégénérescence les maladies qui nous accablaient alors et qui répandaient la terreur dans le monde entier. Nous ne doutons nullement du succès que ces sortes de descriptions obtiennent dans les cercles où le mot Canadien est synonyme d’homme blanc dégénéré. C’est charmant d’entendre « quelques mots français prononcés au hasard » dans une province où il n’y a que des Français. Les « fièvres périodiques de cette saison » demandent qu’on s’en explique avec l’apothicaire. À Paris comme à Londres, à Québec comme à Lisbonne, une demi-douzaine de tranches de melon produiraient un dérangement d’estomac. Nous n’avons pas d’autres fièvres périodiques. Les maladies endémiques sont inconnues chez nous. Comment aurions-nous une édition des marais Pontins, entre la fin d’un hiver et le commencement de l’autre ?

Disons que notre climat est froid, c’est son côté désagréable. Avouons qu’il est souverainement sain ; par là, il compense au centuple ses désavantages.