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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

allant visiter les travaux qu’il dirigeait, il fut saisit par le froid et la fatigue. On le trouva mort près du rivage, enfoncé dans les vases.

Ses enfants retournèrent plus tard en France. Il avait quatre filles et quatre garçons. Ceux-ci moururent tous sur les champs de bataille. La gestion des biens de d’Aulnay passa aux mains de Germain Doucet dit Laverdure, sous la surveillance de la veuve, en dépit du sieur de Saint-Mas, que messire René de Menou de Charnisay, le père, (âgé alors de quatre-vingts ans) avait nommé son fondé de pouvoir. Comme on était à se débattre contre cet agent, Latour reparut.

La carrière déjà si accidentée de l’ancien commandant du cap Sable n’en était qu’à sa quatrième phase. Aussitôt après la prise du fort Jemsek (1645) il s’était rendu à Terreneuve solliciter des secours auprès de sir David Kertk, gouverneur de cet île, le même qui avait pris Québec seize ans auparavant. Sa démarche resta infructueuse. Il se réfugia alors à Boston. Au printemps de 1646, suivi de cinq Anglais et de cinq Français, il monta un navire équipé en traite par ses amis les puritains, mais il les trahit, força les Anglais de débarquer au cap Sable et se sauva avec le vaisseau, dans le dessein de se rendre à la baie d’Hudson. Passant à Terreneuve, il essuya un nouveau refus de Kertk et fit voile pour Québec, où il arriva au mois d’août. « Le 8, sur le soir, rapporte le Journal des Jésuites, parurent le navire du capitaine Poullet et le phlibot de M. de la Tour, qui se venait réfugier ici ; ils arrivèrent ici le lendemain. On tira à l’arrivée du dit sieur de la Tour, et à sa descente ; il fut logé au fort. M. le gouverneur (de Montmagny) le premier jour lui donna le devant ; il l’accepta pour le premier jour, et puis le refusa, comme il devait. » Le même Journal marque, le 21 juin 1647 ; « Commencement de commerce de lettres avec M. d’Aunay Razilly. Le Père de Quen lui écrivit l’an passé pour ravoir un petit sauvage captif ; il lui répondit cette année fort honnêtement, et son commis au commis de Tadoussac. » Le 7 mars 1648, à Québec, Latour fut parrain de Charles-Amador Martin (second prêtre canadien). Le 16 avril, il partit de cette ville « avec des Hurons qui vont en chaloupe pour faire la guerre » en haut du fleuve. Le 12 septembre, aux Trois-Rivières, il fut parrain d’un petit sauvage ; la marraine était madame Jean Godefroy de Lintot. Le 18 juillet 1649, aux Trois-Rivières, on le retrouve parrain d’Amador Godefroy, sieur de Saint-Paul, fils de Jean Godefroy de Lintot et de Marie Leneuf. Deux parents des Kertk demeuraient alors aux Trois-Rivières, Médard Chouard des Groselliers[1] et Pierre-Esprit de Radisson. Ils ont dû concerter plus d’un plan avec Latour. Ces trois hommes qui, l’un après l’autre, passèrent aux Anglais pour revenir aux Français, puis retourner aux Anglais, ne pouvaient guère se rencontrer sans se communiquer leurs projets. Latour, proscrit, mis hors la loi, était reçu à Québec avec honneur ; aux Trois-Rivières il fréquentait les premières familles de la ville. C’est vers ce temps que Simon Denis, sieur de Vitré, vint s’établir à Québec. Les troubles de l’Acadie paraissent avoir amené au Canada quelques autres personnes.

  1. En 1653, il alla en Acadie où Latour était tout à fait réintégré.