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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

les milices se mirent en marche. Il eût fallu cultiver cette ardeur, ne pas décourager les enfants du sol ; redoubler de soins pour la colonie et nous envoyer un grand nombre de colons. Malheureusement, Colbert n’alla pas si loin : il avait peur de dépeupler la France. Ses opinions, à cet égard, faisaient loi. L’Europe de son temps voulait être « le monde, » comme les Romains avaient décidé que Rome n’existait que dans Rome. On ne voyait pas que l’Amérique serait bientôt un duplicata des populations des vieux continents, et que la lutte de l’avenir se ferait entre les éléments nationaux transportés de l’ancien monde dans le nouveau. Toute l’ardeur des Canadiens se dépensa en projets que la mère-patrie laissa se refroidir, tandis qu’elle eût dû travailler à les rendre praticables.

Les soldats du régiment de Carignan étaient-ils tous Français ? Nous répondons oui. Ceux qui ont soulevé des doutes à ce sujet ne se sont pas donné la peine d’aller aux renseignements. Sur un autre point, nous nous demandons si tous ces soldats étaient bien du régiment en question. Là-dessus, le doute existe ; mais il n’en est pas moins vrai que, dans les derniers temps de leur service (au Canada), ils formaient partie de ce corps. Notons d’abord que M. de Tracy laissa la France pour les îles, l’automne de 1663, et que la campagne de Hongrie eut lieu en 1664. Avait-on séparé le régiment en deux divisions, une pour les Antilles et l’autre envoyée au centre de l’Europe ? C’est possible. Alors, elles se ressoudèrent à Québec. Mais, depuis 1636, les Espagnols, les Italiens et les Allemands n’avaient-ils pas compté en bon nombre dans ses rangs ? Le fait est probable. Seulement, nous sommes porté à croire que, au moment de s’embarquer pour les colonies, les hommes et les officiers furent laissés libres de suivre ou de rester. Il paraîtrait que ceux qui se marièrent ici étaient Français, puisque ni les registres des églises ni les recensements nominaux ne nous fournissent dix noms qui aient une tournure étrangère. Quant aux officiers, il y en avait des régiments du Poitou, de Chambelle, de Lignières et de Broglie, ce qui montre que plusieurs avaient permuté au moment de partir de France. Même chose pour les soldats, sans doute, puisque l’idée du roi était de former des colons de tous ceux qui voudraient rester ici.

Les capitaines du régiment de Carignan dont les noms ont été conservés parmi nous, sont ceux qui suivent : Maximin, Fromont, La Fouille, Traversy, Petit, Loubias, Grandfontaine, Verchères, Saint-Ours, La Durantaye, Chambly, La Bouteillerie, Dumesnil, La Mothe, Dugué, Berthier, Contrecœur et Sorel. La plupart s’établirent dans le pays.

François Jarret de Verchères épousa Marie Perrot et fonda la seigneurie de Verchères. Pierre-Roch de Saint-Ours épousa Marie Mulois et fonda la seigneurie de Saint-Ours. Olivier Morel de la Durantaye épousa Françoise Duquet et fonda plusieurs seigneuries. Jacques de Chambly ne se maria point, mais il a laissé son nom à une seigneurie que la famille Hertel a mise en valeur. Jean-Baptiste-François Deschamps de la Bouteillerie épousa Catherine-Gertrude Macard et fonda la Rivière-Ouelle. Pierre de Saint-Paul sieur de la Mothe-Lussière fonda une seigneurie près Saint-François. Sidrac Dugué de Boisbriant épousa Marie Moyen et laissa une nombreuse descendance. Alexandre Berthier épousa Marie Le Gardeur et fonda la seigneurie de Berthier-en-haut. Antoine Pécaudy de Contrecœur