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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

entreprises qui ne vont qu’à débander les habitants par l’espérance du gain, et à diminuer la ferme des castors. »

En décembre 1683, la Salle mettait le pied à Québec, ignorant que le gouverneur eut renouvellé ses instances auprès du ministre et que le privilége de traite dont il jouissait (expiré le 12 mai 1683) ne serait pas continué. Bientôt, néanmoins, il sut à quoi s’en tenir et partit pour la France.

La suite de la carrière de la Salle est connue. Elle n’a qu’un rapport éloigné avec l’histoire des Canadiens-Français. Placé à la tête d’une grande expédition destinée à retrouver par mer les bouches du Mississipi, l’intrépide Normand fut contrecarré par l’officier (M. de Beaujeu) qui commandait la flotte. On dépassa l’endroit où devait s’établir la colonie. Les navires reprirent la route de l’Europe. La Salle voulut se diriger par les terres du côté du fleuve. Il y périt assassiné, le 19 mars 1687, de la main de quelques-uns de ses gens. Ceux qui étaient restés au golfe du Mexique, se voyant dépourvus de chef et n’étant point, pour la plupart, en état de fonder une colonie agricole, se dispersèrent et se mirent à errer dans les solitudes, attendant ou la mort ou l’occasion de repasser en France.

Le 25 août 1687, M. de Denonville écrivait au ministre : « M. de la Salle a fait des concessions au fort Saint-Louis des Illinois à quelques Français qui y résidaient depuis plusieurs années sans espoir de retour. Cela a donné lieu à une infinité de désordres et d’abominations. Ceux à qui M. de la Salle a fait ces concessions sont tous des jeunes gens qui n’ont aucun moyen de cultiver le sol ; toutes les semaines ils épousent des squaws à la manière indienne qu’ils achètent de leurs parents, aux frais des marchands. Ces vauriens prétendent être les maîtres indépendants de ces terres éloignées ; tout cela est en désordre. Cette année, dix d’entre eux avaient comploté d’aller trouver les Anglais pour les amener au Mississipi : la guerre a arrêté ce dessein. Le remède à tout cela c’est que ces concessions soient révoquées par le roi, et que les garnisons de ces postes éloignés soient changées au moins tous les deux ans ; que le commerce y soit réservé aux postes fortifiés où il y aura des commandants. » Cette année, le gouverneur donna à Henry de Tonty vingt bons Canadiens « pour marcher avec lui à la tête des Indiens sur les derrières des Illinois. » M. Rameau observe la préférence accordée aux Canadiens sur les Français d’Europe pour les expéditions en pays sauvages.

À la fin du dix-septième siècle, ce qui restait de Hurons et d’Algonquins en Canada ne comptait plus que pour un nombre insignifiant, mais de nouvelles nations, découvertes vers ce temps, au sud et à l’ouest des grands lacs attiraient l’attention et cela d’autant plus que les Iroquois commençaient à porter la guerre chez elles, suivant pour ainsi dire à la piste les voyageurs français qui pénétraient graduellement dans ces contrées. Les Cinq-Cantons, échelonnés sur les rives est des lacs Ontario et Érié, renfermaient près de douze mille âmes (deux mille deux cents guerriers) vers 1680, au moment où s’ouvrait la longue série de leurs courses les plus célèbres. C’étaient : 1. les Agniers ou Maquaes ou Mohawks : 5 bourgades, 96 cabanes, 300 guerriers ; 2. les Onneyouts ou Onyades ou Oneidas : 1 bourgade, 100 cabanes,