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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

la traite qu’on y pouvait faire et les peuples qui les fréquentaient, et selon toute probabilité, ce fut dans ses voyages au lac Supérieur en 1645, 1654 et 1659. Les Assiniboines qu’il aurait connus, dit-on, pouvaient bien être un simple parti de chasseurs avancé jusqu’au voisinage des grands lacs. Un fait assez curieux c’est le nom de rivière des Groseillers donné depuis deux cents ans aujourd’hui à un cours d’eau par lequel on pénètre du lac Supérieur dans la série de petits lacs reliée au lac la Pluie. Doit-on en conclure que Chouart est entré dans le nord-ouest par cette porte ? Jérémie est le seul écrivain du temps qui donne à supposer qu’il ait visité le Manitoba.

Chouart et Radisson retournèrent dans le bas Canada (fin d’août 1656) avec deux cents cinquante Outaouais. Tout en s’occupant de commerce, les deux Français, au dire de la Relation de 1656, avaient « baptisé environ trois cents petits enfants. Ils ont réveillé dans l’esprit de ces peuples le souvenir des beautés de notre croyance, dont ils avaient eu une première teinture au pays des Hurons lorsqu’ils allaient visiter nos pères qui l’habitaient, ou que quelques-uns de nous autres s’approchaient des contrées voisines de leur pays ». L’auteur de la Relation consigne les notes fournies par les deux voyageurs : « Il y a quantité de lacs au quartier du nord qui passeraient pour des mers douces… On nous a marqué quantité de nations aux environs de la nation de mer (Gens-de-Mer) que quelques-uns ont appelé les Puants… Les Liniouek (Illinois) qui leur sont voisins, sont environ soixante bourgades. Les Nadouesiouek (Sioux) en ont bien quarante. Les Pouarac (Poualac) en ont pour le moins trente. Les Kiristinons (Cris) passent tous ceux-là en étendue : ils vont jusqu’à la mer du Nord » (baie d’Hudson). Ces renseignements s’échelonnaient sur une ligne courbe qui partant de la baie Verte coupait le haut Mississipi, le lac des Bois et allait finir à la baie d’Hudson.

Sur la fin de l’été (1656) trente Français partirent de Québec avec les Outaouais, mais la guerre des Iroquois les fit rebrousser chemin tout aussitôt. Nous constatons la présence de Chouart aux Trois-Rivières les 29 septembre 1656, 14 et 18 juillet 1657 et 2 avril 1658, preuve qu’il n’alla pas à la baie d’Hudson en 1657, comme on l’a cru, mais peut-être Radisson se dirigea-t-il de ce côté, car à son retour de l’ouest il devait être désireux de connaître le nord dont on lui avait tant parlé. Depuis plus de quarante ans déjà les Français songeaient à découvrir les peuples de ces contrées.

En 1610, Hudson avait trouvé par mer la baie qui porte son nom ; la même année, Champlain voulut s’y rendre par le Saint-Maurice[1] ; un navigateur anglais, Button, y entra par mer, en 1612 ; Champlain pensa y réussir par l’Ottawa, en 1613 ; Fox, autre Anglais, y fit une visite par mer en 1631 ; l’année suivante le capitaine James donna son nom à la baie James. Ces découvertes ajoutaient bien quelques mots et quelques lignes sur la carte, mais il ne paraît pas que le commerce s’en soit ressenti et il est encore plus certain que la conversion des Sauvages n’en fut point le résultat. Il était réservé aux Français d’accomplir, dans la mesure du possible, cette œuvre méritoire. Le 14 septembre 1641, la mère de

  1. Voir le présent ouvrage, I, 107, 128, 130.