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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

Supérieur, ainsi que les missions de Sainte-Marie, Saint-Ignace et du Saint-Esprit (Chagouamigon). Sur le rivage qui regarde l’île Royale, on lit « Chemin aux Assinipoulak à 120 lieues vers le nord-ouest ». De l’embouchure de la Kaministiquia à l’entrée du lac des Bois, on compte à peu près cent vingt lieues. Il est clair que les Français avaient des rapports et faisaient commerce avec les Assiniboines ou exerçaient sur eux une influence considérable, car, en 1671, au saut Sainte-Marie ces Sauvages, ainsi que les Christinos, Monsonis et autres nations du nord et de l’ouest, s’étaient déclarés amis de la France et placés sous sa protection. Une autre carte, dont la date est donnée comme étant de 1680, montre un cours d’eau qui paraît être la Kaministiquia, et porte cette légende : « Par cette rivière on va aux Assinepoulacs à 150 lieues vers le nord-ouest où il y a beaucoup de castors ». Au fond du lac Supérieur est figuré un autre cours d’eau ; on y lit : « Par cette rivière, on va au pays des Nadouessiens à 60 lieues au couchant ». Vers 1680, il est fait mention d’un Sauvage, nommé Jason, qui voyagea à partir des grands lacs et se rendit par le nord jusqu’aux Trois-Rivières[1].

Ainsi donc, le vaste champ que Nicolet, Chouart et Radisson avaient parcouru s’était élargi, et presque doublé, mais la région du Mississipi devait, pendant de longues années, captiver davantage les explorateurs et les commerçants. La Salle se fit concéder Cataracoui, sur le lac Ontario, en vue de ses entreprises futures. Jolliet demanda, sans l’obtenir, la permission de trafiquer aux Illinois ; on crut le consoler, quelques années plus tard, en lui donnant l’île d’Anticosti. Son rival, plus riche, plus hardi, n’abandonne point la lutte. Du poste de Cataracoui il étend son commerce au lac Érié et bientôt songe à quelque chose de mieux que l’humble canot d’écorce. En 1679 le Griffon, construit un peu au-dessus du Niagara, remonte jusqu’au lac Huron, entre dans le Michigan et se charge de pelleteries à la baie Verte. La Salle et le père Hennepin, récollet, poussent de là jusqu’au Mississipi. L’année suivante, Daniel Greysolon, sieur Du Luth, officier dans les troupes, l’un des types les plus remarquables de cette époque, prend possession du pays des Sioux, selon les formes officielles. En même temps on bâtit, dans le voisinage de la Kaministiquia, un poste qui devint le premier anneau de la longue chaîne d’établissements des Français dans la direction des Montagnes-Rocheuses. Après avoir quitté La Salle, qui retournait au Canada, le père Hennepin se rendit (1680) chez les Sioux ; cette nation, qui allait en guerre, fit la rencontre du missionnaire et l’amena prisonnier. « Ils le prirent, raconte La Potherie, pour un esprit, n’osant l’aborder, et sans exagérer une circonstance tout à fait particulière, ils lui donnèrent à manger, par respect, au bout d’une perche. »

Soit que l’on remonte à Champlain (1615) ou que l’on se rende jusqu’à d’Iberville (1699) dans l’histoire de la découverte du centre Amérique, le voyage de Jolliet et Marquette au Mississipi (1673) se présente comme le point culminant des travaux entrepris de ce côté. La Nouvelle-France s’agrandit alors brusquement vers le midi comme si une conquête par le

  1. La Potherie : Hist. de l’Amérique Septentrionale, II, 280.