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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

tout le bien qu’ils avaient en France pour s’arrêter tout à fait en Canada. La colonie se multipliait insensiblement, car par une bénédiction particulière de Dieu l’on voit quelques fois jusqu’à quinze, dix-huit et dix-neuf enfants d’un père et d’une mère, ce que j’ai remarqué moi-même. Le commerce s’établissait aussi beaucoup par le libre accès que l’on avait chez les nations, à cinq ou six cents lieues, à droite et à gauche. Les sauvages mêmes venaient en flottes de deux cents canots portant les pelleteries dans le pays habité. La culture des terres s’avançait également. Les villages se formaient comme en France si bien que, le pays croissant, l’on était en état d’y établir une église dans toutes les formes. »

Avec Mgr de Laval étaient venus de France (25 septembre 1675) l’intendant Duchesneau et plusieurs prêtres : les pères Potentien Ozon, Chrétien Le Clercq, Louis Hennepin, Zénobe Mambré, Luc Buisset et Léonard Duchesne, récollets ; Jean Enjalran et François Vaillant de Gueslis, jésuites ; Charles de Glandelet, prêtre. Depuis deux ans, on attendait ces récollets. Un religieux du même ordre, le père Eustache Maupassant, homme de talents, était venu de France (1673) avec le titre de provincial, et choisi par Frontenac pour son confesseur, il paraît avoir contribué à augmenter l’affection que ce gouverneur éprouvait à l’égard des récollets. C’était un prédicateur émérite « ce qui a obscurci et donné un peu de chagrin à ceux (les jésuites) de ce pays qui ne sont pas assurément aussi habiles » écrivait Frontenac en 1674, au moment où le père Maupassant était rappelé en France par ordre du roi. Frontenac ajoute : « Si les pères récollets étaient en plus grand nombre et qu’on les voulût employer (on leur niait le droit d’aller dans les missions) ils feraient assurément des merveilles dans les missions… l’envie commence à être fort grande contre eux, quelque bonne mine qu’on (les jésuites) leur fasse. » Le père Le Clercq partit le 11 octobre 1675 pour la mission de l’île Percée, sur les côtes de la Gaspésie, où la famille Denys avait un établissement. Dix-huit mois plus tard (9 mai 1677) à Québec, le père Ozon donna l’habit des récollets à Joseph, fils aîné de Pierre Denys et de Catherine Leneuf ; le père Valentin Le Roux, successeur du père Ozon, (septembre 1677) fit faire profession à ce novice, le premier récollet canadien, et donna, quelque temps après, l’habit à deux autres enfants du pays : Charles Bazire et Didace Pelletier, qui reçurent plus tard les ordres définitifs.

Des lettres-patentes (1677) ayant été accordées pour les établissements des récollets à Québec, à Percée et au fort Frontenac, la communauté de Québec fit construire un bâtiment à l’île Percée, et par la suite une jolie église avec une maison bien montée ; la famille Denys contribuait largement de ses deniers dans toutes ces œuvres. À Frontenac, « M. de La Salle fit bâtir à ses frais notre maison sur le terrain qu’il nous avait donné près du fort, dans lequel on ménagea une chapelle, » écrit le père Le Clercq. Une école s’ouvrit en ce lieu pour les enfants des Français et des sauvages. La même année (1678) le père Xiste Le Tac qui occupait la mission des Trois-Rivières y fit ériger une résidence au moyen des secours fournis par la maison des récollets à Québec. Enfin, le séminaire de Saint-Sulpice, de concert avec les habitants de Montréal, demanda les récollets ; M. Tronson, supérieur-général de Paris, approuva ce dessein, et le séminaire accorda (1678) quatre arpents de terres, à l’entrée