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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

En ce moment, la situation était très tendue entre les deux pays. Les Français ne faisaient pas un mystère de leur projet de reprendre l’Acadie et d’employer des milices canadiennes dans ce but. Tout naturellement, les Acadiens penchaient vers cette politique (ce dont personne ne saurait les blâmer) qui pour leur malheur, a été trop activée par la France. Manifester de l’attachement envers leur ancienne mère-patrie, c’était pour les Acadiens risquer tout pour tout, et comme l’issue de la guerre fut défavorable à la cause française, ces pauvres gens en éprouvèrent les lamentables conséquences.

Louisbourg, forteresse de première classe, attira d’abord l’attention des généraux de la Grande-Bretagne. Dès l’automne de 1743, la flotte française occupait Canseau et croisait dans le voisinage de Port-Royal, calculant sur l’espérance de faire soulever les Acadiens. M. Duquesnel, gouverneur du cap Breton (l’île Royale) envoya un officier canadien, M. de Gannes de Falaise, occuper les Mines, mais les habitants le conjurèrent de s’éloigner, ce qu’il fit avec Duvivier qui commandait la flotte française.

L’intérieur du continent était alors presque inconnu des Anglais. Les Canadiens, au contraire, l’avaient déjà parcouru en tous sens et leurs postes s’étendaient par Cataracoui, Niagara, le Détroit, Michillimakinac, la baie Verte, les Illinois et le Mississipi, jusqu’au golfe du Mexique. Telle était la ligne de défense qui nous était imposée, et qu’il nous fallait maintenir avec une population de quarante-trois mille âmes, contre des colonies qui en renfermaient au moins huit cent mille.

Au Canada, on ne connut la déclaration de guerre qu’au printemps de 1744. M. de Beauharnois appela immédiatement les nations sauvages et fit ses dispositions pour résister tant aux frontières qu’à Québec, contre un ennemi supérieur en nombre et bien préparé. Les miliciens étaient au nombre de plus de onze mille, répartis comme suit dans les trois gouvernements : Montréal 4647, Trois-Rivières 1059, Québec 5579, sans compter un millier d’hommes occupés dans les voyages et à la traite, tous bons soldats. Le premier corps, formé de cent vingt Canadiens, sous les ordres du lieutenant Marin, avec environ quatre cents Abénaquis et Hurons, se dirigea vers Port-Royal, au mois de janvier 1745. Cet hiver, l’un des plus beaux qui se puisse voir dans nos climats, fut employé aux préparatifs que nécessitait la situation. Durant ce même mois de janvier, le gouverneur du Massachusetts, M. Shirley, forma le projet de conquérir Louisbourg. Il appela à lui les provinces anglaises. Le Connecticut, le New-Hampshire et le Rhode-Island promirent de le seconder. La garnison de Louisbourg était en révolte. François Bigot, commissaire-ordonnateur, retenait la solde des troupes. La bande malsaine qui devait perdre le Canada était répandue dans toutes les branches de l’administration. Lorsque la flotte anglaise, composée de plus de cent vaisseaux parut devant Louisbourg, le 30 avril 1745, on eut de la peine à pacifier la garnison et à la décider à se tourner contre l’ennemi. Les officiers français se défendirent, tout en surveillant leurs propres soldats qui voulaient déserter. Le 17 juin la place capitula. Les milices de la Nouvelle-Angleterre qui, pour la première fois, se voyaient du côté des vainqueurs, célébrèrent cette victoire avec enthousiasme. Le Canada répondit à cette explosion par l’envoi de