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CHAPITRE IX


1760-1765


Cession du Canada. — Banqueroute du trésor français. — Situation des Canadiens. — Conduite des généraux anglais. — Religion, lois, langue des Canadiens. — Immigrants anglais. — Le clergé catholique. — Pourquoi nous avons été conquis. — La « Gazette de Québec. » — Recensement de 1765.


L

a guerre, terminée l’automne de 1760 par la capitulation de Montréal et par le départ des troupes françaises qui eut lieu bientôt après, laissait le Canada dans une situation indécise et absolument livré aux mains du pouvoir militaire. Tant que dura ce régime, les affaires se ressentirent du malaise général. Enfin, le traité de Paris (février 1763) fixa nos destinées : nous sûmes que la France avait disposé de nous. Nous appartenions à l’Angleterre !

Peu après la cession du pays, les Canadiens apprirent que la monnaie de carte et les ordonnances étaient répudiées. « Cette nouvelle, dit Garneau, fut comme un coup de foudre pour ces malheureux, à qui l’on devait plus de quarante millions de francs ; tous étaient créanciers de l’État. Le papier qui nous reste, écrivait le chevalier de Lévis au ministre, est entièrement discrédité, et tous les habitants sont dans le désespoir. Ils ont tout sacrifié pour la conservation du Canada. Ils se trouvent actuellement sans ressource. »

Ainsi, ruine partout. Le Canadien était dans la situation d’un homme qui voit réduire par le feu, en quelques heures, les biens qu’il possède. Aurait-il le courage de recommencer la lutte contre l’indigence ? Cette question dut être, pendant quelques mois en suspend. Mais elle devait un jour se trouver résolue par la forte trempe de la race. L’habitant tenait le sol : il comprit ce que cela valait. Et puis, la banque changeait de forme avec les Anglais : le numéraire reprenait son empire bienfaisant pour le peuple. Le commerce devenait libre : plus de magasins privilégiés. C’était un monde nouveau ; la réflexion convainquit les Canadiens de la nécessité de le mettre à l’épreuve avant que de porter plainte — car du côté